Claudine Mocka

Le Dernier Fruit


Des millénaires ont passé, depuis la Grande Alerte Mondiale, concernant la destruction du patrimoine écologique terrestre. L'orgueil inique et aveugle sans retenue de l'homme, a fait basculer la race humaine dans un excès de suprématie dévastatrice, sur l'ensemble de toute vie sur la planète terre. Un sentiment écrasant de supplanter la nature. De la transformer, la corriger, la détruire même, pour mieux la reconstruire après (?). La désorganisation extrême de la géographie des habitats naturels, humains (ruraux, urbains, sédentaires, très rarement nomades...) a réduit la terre à néant. Les rares approches écologiques positives de l'homme, ont ruiné tout espoir de renouveau biotope. Nous sommes entrés dans l'ère du Néant, tout simplement. Néant synonyme de terreur, oppression physique/ morale. L'inévitable tuant presque toute existence planétaire. Les humains mourraient en masse, comme des mouches. Les vents forts qui balayaient la désolation de la planète terre (devenue depuis, une immense mer de sable), se chargeaient de recouvrir les charniers humains; Ensevelissant ainsi, à tout jamais, les corps, la honte humaine et moult regrets tardifs. Le soleil, à présent, maître tout puissant des cieux, craquelait les peaux du peu d’êtres humains restant et dérobait progressivement, la nuit à nos yeux. Au fil des millénaires, la lumière du jour finit presque par devenir un lointain souvenir du passé. Par la force des choses, et bien que nous soyons issus de peuples évolués, nous nous adonnons à la nécrophagie, pour des motifs, purement et simplement physiologiques! Nous déterrons des cadavres fraîchement recouverts de sable, pour subvenir à nos besoins quotidiens nutriti! onnels. Ceux qui rechignent à cette pratique, décèdent rapidement et finissent illico presto, dans les estomacs de leurs pairs! L'homme était tombé en disgrâce totale. Nous savions qu’il n’y avait plus l’ombre d’un espoir pour la race humaine toute entière, quand les aborigènes des 5 continents, disparurent totalement de notre planète. Nous en sommes réduits à l'état de bête. Nous vivons pour manger, nous mangeons pour vivre! Tel est notre lot quotidien. Malgré notre triste sort, moi et un petit groupe d'individus, étions en partance depuis quelque temps pour une bien étrange destination. De temps à autre, à travers notre errance interminable, nous rencontrions d'autres groupes humains, qui rapportaient chacun à leur façon une légende. Légende pour certains, réalité pour d'autres. Un récit tournant autour d'un fruit. «Le Dernier Fruit» Le seul et unique espoir salvateur de l'humanité. Un fruit unique, qui pendait haut et fort au bout de la branche d'un arbre. Un arbre au tronc lisse comme un mat de cocagne, qui ne présentait aucune prise pour accéder à son sommet et pouvoir cueillir son seul et unique fruit bicolore, blanc/noir. Personne de toute évidence ne connaissait son goût. C'est bien pour cela qu'il était unique! Par hypothèse, une saveur comme nulle autre : douce amère, sucrée salée et bien d'autres, d'après les rumeurs. Un simple fruit, qui pouvait rassasier un homme pour des années et des années, voire des siècles. Ses pépins renfermaient le pouvoir de régénération des espèces végétales, minérales, animales. A coup sûr, avec ce fruit, l'eau rejaillirait des rivières tarie! s, et co ulerait de nouveau en abondance sur terre! N'est-ce pas merveilleux d'entendre tout cela? Oui, l'eau, de l'eau, à ne plus savoir qu'en faire. La boire, se jeter et se baigner dedans. La sentir, l'admirer pendant des heures, inonder ce désert immense et transformer le paysage, en vastes forêts et savanes florissantes et nourrissantes. Un Genesis 2 quoi. J'y vois déjà des animaux parcourir les vastes étendues verdoyantes, les êtres humains les chasser, les tuer, puis se nourrir de leur chair ferme et appétissante à souhait. Je ne peux voir tout cela, qu'en imagination, car personnellement, je n'ai jamais vu d'animaux. On m'en a juste parler, donner des descriptions... Cela fait des siècles et des siècles qu'ils ont disparus. Pis en ce qui concerne la végétation. Quant à l’eau, n'en parlons pas. Tout ce que je sais à propos de cette dernière, c'est qu’elle est transparente et liquide… Les corps des quelques survivants de notre planète, se sont adaptés parfaitement aux rudes réalités climatiques. Nos épidermes se sont fripés et changés en une espèce de couche cornée de ton brunâtre. Ainsi nous voilà donc protégés des rayons UV et autres radiations. Mais quand le soleil rouge feu se rapproche trop près de la terre (ce qui arrive de plus en plus fréquemment!), la température au sol peut grimper jusqu'à 192°C. Là, la peau se craquèle en profondeur et de terribles lésions corporelles s'en suivent. Les plus vigoureux d'entre nous s'en remettent, mais beaucoup succombent. Les fluides de leur corps -que nous récupérons- s'échappent par les fissures engendrées par les rayons destructeurs du soleil. Plusieurs fois, j'ai survécu au soleil! rouge f eu, mais pour combien de temps encore? C'est pour cette raison, que le petit groupe d'humains dont je fais parti, a décidé de se mettre en route et peut-être... Peut-être quoi? Je ne sais pas! On verra bien. De toute façon, cela ne pourra être pire que ce que nous vivons actuellement. Alors bougeons! C'est maintenant ou jamais.

Le soleil rouge feu transformait notre périple en un chemin de croix, à travers l'immensité désertique. D'autres groupes humains, se joignaient à nous. Nous nous séparions d'autres groupes humains aussi. Nos destins d'errance se croisaient, se brisaient, disparaissaient! Ainsi de suite. Et nous continuions notre immuable et macabre rituel de nécrophagie, néanmoins nécessaire à la survie de notre petit groupe. Les nuits devenues presque inexistantes, nous parcourions des distances inouïes, sous un ciel chauffé à blanc et irradié, qui plus est! A des moments, cela nous était vraiment insupportable. Mais nous avions pris notre décision. Trop tard, pour faire marche arrière. De toute façon, ceux que nous avions laissé derrière nous, étaient probablement déjà morts, à l'heure qu'il est! Et dévorés par d'autres êtres humains! Tel était notre triste sort à tous. Finir dans l'estomac d'un autre humain. Quelle horreur! Quelle inhumanité! Mais nous l'avions bien cherché...

Est-ce un mirage? Le soleil rouge nous aurait-il déconnecté les neurones à ce point? Quelle est cette masse noire mouvante à l'horizon? Serait-ce là une image virtuelle flottante ou bien la réalité? Malgré notre détresse physique, nous devions en avoir le cœur net. Il nous fallait presser le pas et se diriger au plus loin vers l'horizon. Les plus faibles d'entre nous, resteraient sur place. Si nous étions toujours vivants, nous reviendrions les chercher. Tel était notre plan. A vrai dire, il y avait peu de chance pour que nous revenions sur nos pas. Mais nous leur promettions d'être de retour le plus vite possible! Au fur et à mesure que nous avancions, nous nous rendions compte, que ce n'était ni un rêve, ni un mirage, mais bien une réalité. La masse noire ondulante à l'horizon se révélait être une marée humaine. Moi et mes congénères étions surpris de savoir qu'il pouvait exister un tel rassemblement d'êtres humains. 200, 300, 600, peut-être bien plus! Plus on s'approchait, plus on entendait des clameurs s'élever des dunes de sables. Chacun d'entre nous soupira. Enfin, nous y sommes. Ereintés, nous laissions la marée humaine nous avaler. Un individu me demanda si nous venions d'arriver et pointa son doigt vers quelque chose qui montait haut dans le ciel. Une autre chose, elle, de forme ronde, pendait en son sommet. L'individu en question, nous dit que c'était là, l'arbre du «Dernier Fruit» ou «Fruit sacré» selon d'autres et nous pria de le suivre. Ce que nous fîmes. Nous contournâmes la marée humaine, jusqu'à nous approcher au plus près de l'arbre. On avait peine à apercevoir son sommet, tant il pointait haut dans le ciel. D’une seule ! et uniqu e branche, pendait un seul et unique fruit, que l’on distinguait avec difficulté. Etrange fruit, immobile dans l’immensité du ciel, chauffé à blanc. Nos yeux au cours des millénaires s’étaient adaptés à la forte dose de lumière solaire et UV. Visuellement, le soleil rouge ne nous gênait en aucun point. Nos yeux s’étaient recouverts d’une couche cornée protectrice de couleur anthracite. Tous les regards se fixaient sur le fruit. Il était comme soudé à sa branche, si haut dans le ciel. Comment l’atteindre? Le tronc ultra massif de l’arbre, dur, solide et lisse comme le granit poli, ne présentait aucune prise, nœuds ou quoi que ce soit, qui puisse faciliter l’ascension à son sommet. Je trébuchais en reculant sur quelques corps morts, fraîchement piétinés par la foule. Je m’aperçu qu’en un rien de temps, on les tirait hors de la cohue grouillante et commençait à les dépecer, pour s’en nourrir, sans aucun doute ! Comment saisir ce fruit, bon sang. Cela paraissait comme une mission impossible. Tellement hors de portée de main. Certains désespérés, tentaient la courte échelle. Tu parles. Il fallait même pas y penser. On était bien tous trop dégradés physiquement. Nous avions déjà du mal à subir le poids de nos propres corps. Alors, allez donc voir, supporter et aider à hisser plusieurs personnes au sommet de l’arbre. Il devait sûrement y avoir un autre moyen ! Mais lequel? Entre temps, quelqu’un passa parmi la foule avec des morceaux de viande humaine, que nous nous empressâmes de dévorer, tant affamés nous étions. Il n’y en avait pas pour tout le monde. Ce qui provoqua un début de bousculade à la péri! ph&eacut e;rie de la marée humaine. Puis des cris se firent entendre. Des gens tombaient et se relevaient. Des gens tombaient et ne se relevaient pas, piétinés par de plus vigoureux qu’eux. Aussitôt, on les tirait hors de la foule, comme de vulgaires quartiers de viande, prêts à être consommés. Différents groupes humains errants, émergeaient de partout et venaient grossir la marée humaine. Qui aurait pu imaginer qu’il restait autant d’être humains sur cette planète désolée! Les individus les plus désespérés, persévéraient dans leurs tentatives d’ascension. Dépense d’énergie en vain! Le tronc de l’arbre aussi lisse qu’une pierre polie. Les plus entêtés, élaboraient un plan de rampe géante, à base de sable, qui parviendrait à hauteur du fruit. Travail de titan, qu’aucun d’entre nous n’aurait la force de mener à bien ! Alors on réfléchissait. Individuellement ou en petits groupes. Les idées les plus folles fusaient de part et d’autre. Même les bonnes idées étaient mauvaises! Il nous manquait la force physique. D’autant, qu’il y avait plus d’affamés, que de vigoureux (?). Que faire alors? La fournaise du jour, allait bientôt laisser place à nos quelques petites heures de répit. C’est-à-dire la nuit. 3, 4 heures, tout au plus. Dans une semi-obscurité de surcroît. Il nous fallait donc en profiter au maximum. Mon petit groupe et moi allâmes nous installer sur le versant nord d’une dune, à l’abri de la marée humaine. Allongés sur le dos, nous contemplions une voûte céleste, vide d’étoiles, à part ce soleil rouge. Toujours et encore lui, éternel, immuable. Ce feu du ciel! qui nou s imposait depuis des millénaires cette vie, livrée comme une bataille sans trêve et sans merci. Mais au moins, nous allions pouvoir dormir un peu. Nous reposer, dormir. Oui c’est ça. Se reposer, dormir. Et ne plus jamais se réveiller pour les plus chanceux d’entre nous! C’est ainsi, que les paupières se fermaient sans plus attendre. Lourdes, gonflées, rougies de fatigue. Plus tard, demain serait un autre jour…

A la fin de la courte semi-obscurité, les estomacs se réveillaient affamés, les bouches assoiffées, les gorges sèches. Comment apaiser cette malédiction qui rongeait nos entrailles et tourmentait nos esprits inlassablement! La liste de ceux qui n’ont pas survécu à ce bref sommeil, était plutôt longue. De la dune où nous étions, une vue macabre de nombreux corps alignés, s’imposait à nos yeux. Au moins, on se disait qu’il y aurait de quoi manger pour bon nombre d’entre nous! Alors que l’on se rapprochait de l’arbre du dernier fruit, deux squelettes ambulants, nous apportaient à pleines mains, de beaux morceaux de viande humaine. En un rien de temps, mon petit groupe et moi, les dévorions comme des bêtes sauvages affamées. Spectacle affligeant pour des êtres humains! Quelle régression! Nous étions vraiment tombés, je vous le dis, plus bas que terre, pour en arriver à manger nos congénères morts. Mais avions-nous le choix? Des cris émanaient de nouveau de la marée humaine, rassemblée autour du fameux arbre. Encore des gens bousculés, piétinés sûrement. Comme nous en avions été témoins dès notre arrivée, des individus prisonniers à mort, des violents mouvements de foule, étaient extirpés hors de la marée humaine, sans ménagement, puis entassés un peu plus loin; pour être plus tard débités, puis consommés. Ceux affectés à cette vile besogne, se distinguent des autres par leur physique plus robuste, en meilleure santé peut-être ? Ils ne devaient pas se gêner pour se rassasier et garder les meilleurs morceaux pour eux! Plus loin, les tentatives pour cueillir le fruit unique se multipliaient et se soldaient à chaqu! e fois, par un échec. Et par quelques morts aussi. J’essayais en vain de questionner autour de moi, au sujet du dernier fruit. Personne ne savait rien à son sujet; à part le fait que manger sa pulpe, assurerait à quiconque des années et des années de satiété alimentaire totale, un renouveau physique, une apparence physique comparable à celle des anciens, une peau douce et tendre, mais insensible aux diverses radiations et variations de température. Voilà, ce que promettait en gros, ce fruit unique à quiconque parviendrait à lui, et le mangerait. Mais comment s’y prendre? Il pendait à une branche d’arbre, inaccessible, un peu comme le fruit originel. Un fruit défendu, pour le commun des mortels. Et ce soleil rouge, encore et encore, qui cuisait nos cuirasses! Mais là, c’était différent. Voire même étrange d’ailleurs! Depuis la fin de la semi-obscurité, la température ne cessait de grimper. Il faisait beaucoup plus chaud qu’hier. Et cela ne faisait qu’empirer. Etait-ce les prémices d’un de ces phénomènes électromagnétiques terrifiants et ultra violents, qui allait se manifester sous peu? Mais dans l’euphorie du fruit défendu, la marée humaine ne paraissait guère ressentir cette brusque chaleur électrique. L’enjeu du fruit était sûrement plus important à leurs yeux! Les autres membres de mon petit groupe, ont tout comme moi, senti que quelque chose de très violent, se profilait au-dessus de nos têtes. Et cela, pour sûr, viendrait du ciel… Des flots et des flots d’êtres humains déferlaient au pied de l’arbre du dernier fruit. Des centaines, voir plus, surgis de nulle part… Et toujours des tentatives et des morts, à la pelle… Mais aucun d’entre eux, ! ne remar quaient le changement de couleur de la voûte céleste. Laquelle virait à présent, au violet électrique. L’air que nous respirions était devenu insupportable, presque irrespirable. Un signe de plus, que le danger était imminent. Mais les gens qui formaient l’immense foule, demeuraient aveugles, à ce qui se tramait au-dessus de leurs têtes. Le fond menaçant du ciel violet se mouchetait de petites lumières scintillantes, qui grossissaient au fur et à mesure, qu’elles se rapprochaient de nous. Il fallait donc déguerpir au plus vite. Avertir les autres serait chose vaine. Mon petit groupe et moi savions ce qui allait arriver. Sans plus attendre, nous nous précipitâmes loin de la marée humaine, pour atteindre la dune qui avait abrité quelques temps auparavant notre court sommeil. Et là, en cadence accélérée, chaque membre de notre petit groupe, creusa son propre trou, jusqu’à en être recouvert de sable, des pieds à la tête. Seules émergeaient les narines de temps à autre, afin de faciliter la respiration! Quand tout à coup de terribles et puissantes explosions se firent entendre? Le bruit assourdissant du tonnerre faisait vibrer l’étendue de sable autour de nous. A l’intérieur de mon petit refuge, je ressentais le sable chaud se resserrer sur mon corps. Il devait en être de même pour les autres membres de mon groupe. Une sensation désagréable, insoutenable d’être prisonnier d’un formidable étau de sable chaud ! Alors, imaginez, ceux qui n’étaient pas protéger comme nous l’étions. Je parle des individus de la marée humaine! Bien qu’enfouis dans le sable, des cris terrifiants de détresse, parvenaient à mes oreilles. Ce devait être les gens amassés au! pied de l’arbre du dernier fruit. J’entendais aussi, les puissants clashs électriques de la foudre violette, s’abattre autour de nous. Le sable devenait de plus en plus chaud. Je n’en pouvais plus. J’avais du mal à respirer. Mais je devais rester, comme les autres de mon groupe, là où j’étais, jusqu’à la fin de ce déchaînement climatique. Notre survie en dépendait. Les cris redoublaient de puissance. Des cris de peur, d’affolement, d’angoisse et de mort enfin. La chaleur accablante du sable, me fit perdre connaissance. Il devait en être sûrement de même, pour mes compagnons de route… Bien plus tard, je me réveillais, à bout de souffle. Je dégageais rapidement ma tête hors de mon refuge de sable et respirais bruyamment, à pleins poumons. Je reprenais mes esprits progressivement, puis m’extrayais de mon trou. La première chose que je fis, fut de chercher les autres membres de mon groupe. Macabre découverte, pour chacun d’entre eux. Tous étaient morts. Mort par étouffement pour les uns, carbonisation par la foudre violette, pour les autres (ils n’étaient probablement pas assez enfouis dans le sable pour s’en protéger!). Je ne me laissais pas abattre pour autant, je dévalais la pente sableuse pour rejoindre l’arbre du dernier fruit et voir s’il y avait quand même, quelques survivants. Vision d’horreur, là aussi. Une vaste étendue de corps carbonisés s’étalait devant mes yeux, à perte de vue. Ca sentait même encore la chair brûlée! Je levais la tête et remarquais que le fond violet du ciel avait disparu. Le soleil rouge feu, lui avait repris sa place initiale. La chaleur électromagnétique s’était dissipée entre temps. Mais point de gémissements! , aucun signe de vie n’émergeaient de cette morgue à ciel ouvert. J’étais donc bien le seul survivant, le seul et unique à avoir échappé à cette fureur climatique. Seul, tout seul au beau milieu de cette mer de sable, sur des millions et millions de kilomètres carrés! Seigneur, pourquoi avais-je survécu? La mort aurait été plus douce! Qu’allais-je donc devenir, à présent? Fou, c’est ça, complètement fou et finir dans cette même folie. Sur ce, je me mis à hurler, pleurer, maudire les dieux et les diables, de désespoir. Pourquoi, pourquoi eux et pas moi? Ne suis-je pas un des leurs? Alors, pourquoi suis-je là, bien vivant et seul de surcroît? Pitié, pitié, pas ça, non pas ça, je vous en supplie. Mes hurlements se firent de plus en plus forts et expressifs. Je me laissais aller à mes délires de désespoir. Je tombais à genoux et tapais des poings sur le sable chaud, tête baissée. Là, je me surpris à pleurer des larmes. C’était vraiment de l’eau qui coulait de mes yeux. Du coup, je continuais à pleurer, crier et maudire. Quand je reçus, contre toute attente, quelque chose d’assez lourd sur la tête. J’en tombais à le renverse, à moitié KO. Allongé sur le dos, je tournais le haut de mon corps sur la gauche et vis comme une espèce de boule bicolore noire et blanche, quelque peu éventrée en son milieu. Une partie de sa chair s’était répandue sur le sable. Et ça avait une odeur. Une bonne odeur. Une odeur qui vous faisait envie, une odeur agréable, une odeur de… Et là, j’éclatais de rire. Rire de folie, de joie. Je ne sais plus. Je pleurais des larmes de folie, de joie, en pensant que cela ne pouvait être que l! e dernie r fruit qui s’offrait à moi. Et oui, c’est ça, ce ne pouvait être qu’une odeur de fruit. Une odeur que je ne connaissais pas, mais qui enivrait tout mon être de vie, de force, d’espoir retrouvé! Je relevais ma pauvre carcasse, pris la boule bicolore éventrée entre mes mains. J’y plongeais ma tête. Je la mangeais à pleines dents, sans prendre le temps de respirer. C’était la sensation la plus miraculeuse, qu’il m’a été de connaître jusqu’à ce jour! Le goût subtil, rassurant, revigorant du dernier fruit me mis immédiatement du baume au cœur. Une vraie résurrection, ma résurrection. Les larmes ruisselaient sur mon visage maculé par la chair du fruit bicolore. C’est alors que quelque chose se fracassa avec grand bruit tout près de moi. Je sursautais, en exécutant un bond en avant. C’était l’arbre du dernier fruit qui venait de casser son tronc à la base; sûrement atteint par la foudre violette à cet endroit précis. Le bois s’était carbonisé et fracassé en plusieurs morceaux, après sa chute. Là, j’avais vraiment la preuve sous les yeux, que ce que je tenais en main, était bien le fruit de cet arbre. Je mangeais même, la peau bicolore du fruit! Je ne m’en lassais pas, ne m’en rassasiais pas. Encore et encore. Les pépins n’étaient pas en reste. Je les avalais un à un, avec délectation, comme un miracle de vie. Je n’en revenais pas. J’étais assis là, parmi une flopée de macchabées, seul à manger le dernier fruit. Et oui, moi Adam seul et unique survivant, surgis de ce nulle part de sable, j’ai mangé le dernier fruit. Le fruit de la dernière destination. Car où pouvais-je aller maintenan! t? Errer tout seul à travers cette immensité sableuse? Ce serait chose vaine. Etait-ce vraiment nécessaire de bouger maintenant, après avoir mangé le dernier fruit? Si la rumeur disait vrai, j’allais vivre, comme je n’avais jamais vécu auparavant. Sans souffrance, contraintes, aucunes. Finies les attentes et errances interminables en ce monde inhumain! Oui, moi Adam, j’allais vivre, vivre, vivre… La dernière bouchée de fruit avalée, je sombrais dans un long et lourd sommeil mérité…

Un million d’années plus tard!

«-Mesdames, Messieurs, veuillez reculer s’il vous plait! On ne peut accéder au site. Les pèlerins sont déjà en surnombre. Il vous faut retourner sur vos pas. Peut-être demain aurez-vous la chance de pénétrer à l’intérieur du site sacré!

-Pourra-t-on approcher le «Mausolée d’Adam», Monsieur le surveillant?

-Non, pas cette saison Madame, il y a beaucoup trop d’affluence.

-Je suis venue de très loin, pour visiter son Mausolée!

-Vous m’en voyez désolé Madame. Toutefois, vous pouvez visiter tous les autres sites adjacents. Ils sont tous aussi verdoyants que le jardin sacré qui entoure le "Mausolée d’Adam »!

-Vous savez, dans ma contrée lointaine, il y a aussi de nombreux jardins tous aussi féeriques que le jardin de vie, le jardin sacré d’Adam! Je ne vous apprends rien à ce sujet, Monsieur le surveillant ! Mais l’arbre de vie au fruit unique bicolore, n’existe que dans le jardin sacré d’Adam et nulle part ailleurs sur terre! C’est pour le voir que j’ai fait un si long et épuisant voyage!

-Je suis vraiment désolée Madame. Mais les ordres sont les ordres. Alors, veuillez ne pas insister s’il vous plait!»

Adam, Adam, si tu savais… Merci, merci à toi. Beni sois-tu!  …

 

 

Toutes les droites appartiennent à son auteur Il a été publié sur e-Stories.org par la demande de Claudine Mocka.
Publié sur e-Stories.org sur 14.12.2015.

 
 

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